Il n’y a pas si longtemps encore, certains d’entre nous s’honoraient d’avoir l’esprit cartésien, c’est-à-dire de distinguer ce qui était vrai de ce qui ne l’était pas, la réalité de la fiction, ne mélangeant pas les deux choses au nom de la raison, et déplorant la mentalité de ceux qui se laisser aller à ne pas distinguer le vrai du faux, les apparences de la réalité des faits. Mais c’était avant le prodigieux développement des communications dans « notre société noyée d’informations et gavée d’images » qui consiste à prendre pour réalité ce qui n’en est qu’une certaine information ou une certaine image plus ou moins fidèle.
Une image souvent trompeuse que chacun considère comme la réalité, alors qu’elle n’en est que l’une de ses représentations, variable suivant celui qui la reçoit, la réalité de l’un devenant la fiction de l’autre. Jadis, nier le caractère unique de la réalité des choses, c’était nier l’évidence, une folie. Aujourd’hui, ce n’est plus qu’une mesure de prudence à l’égard des images ou des informations, et tout être pensant se construit sa propre réalité qui n’est pas celle de son voisin. On comprend maintenant pourquoi certains en viennent, raisonnablement, à nier l’existence d’une réalité, laquelle devrait s’impose à tous.
