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1 mai 2011 7 01 /05 /mai /2011 06:42

            C’est créer un phénomène à partir d’un noumène, Examiner avec attention ? L’homme serait-il le seul capable d’examiner avec attention, de traduire le noumène en phénomène ?  A supposer que ce soit le cas, il s’agirait d’un don qui aurait été donné mystérieusement à notre espèce, et que bien peu d’humains semblent utiliser couramment ?

 

            Mais qu’est-ce qu’un noumène ? « Chose connue par la raison. Dans la langue philosophique, objet que l’on conçoit par la seule intelligence. Chez Platon, le monde des noumènes ou « monde intelligible », est celui des pures idées, dont le monde sensible ne donne qu’une pâle image. Chez Kant (voir ci-avant) chose telle qu’elle est en soi, par opposition au phénomène, aux choses telles qu’elles nous apparaissent »                  

 

            Le monde sensible est celui « qui peut être perçu par les sens et qui s’oppose donc à ce qui ne peut être appréhendé que par l’intelligence pure, comme les rapports logico-mathématiques ». Pas question ici de nous plonger dans les mondes de Platon ou de Kant, sauf pour constater que pour Platon, ce qui importe est le monde des idées, le monde sensible (les phénomènes) n’en étant qu’une pâle image, tandis que pour Kant le monde réel est ce qu’il est, celui dont nous avons connaissance seulement par les apparences, qui constituent ces phénomènes. Pas très clair encore tout cela.

 

            Revenons plutôt sur un des paragraphes précédents dont nous nous sommes éloignés sans en avoir exploité l’idée :Un phénomène ne peut être considéré comme isolé que s’il est observé et c’est l’observateur qui en détermine, consciemment ou non, les limites. Ces limites une fois déterminées, il en recherchera les causes et les effets précisément parce que des limites ont été posées, mais cette opération est consécutive à l’observation, pas au phénomène. Le phénomène n’a ni commencement ni fin en lui-même, il se trouve occuper l’ensemble de son support temporel. Son observation a un commencement et une fin, qui dépend de l’observateur et de sa perception de l’espace-temps.   

           

            En fonction de la digression antérieure, le mot terme de phénomène ne peut s’appliquer qu’à  ce qui est observé. Tout phénomène est donc, par définition, isolé puisque toute observation a un début et une fin, sa durée est limitée. Le phénomène a donc bien un commencement et une fin, car il n’est rien en lui-même, rien que le résultat d’une observation d’une « réalité » en soi dont les sens peuvent en percevoir une apparence, le phénomène. Pour éviter des interprétations différentes de Platon et de Kant, évitons le terme de noumène. C’est pour éviter cette confusion que, il a déjà quelques temps, nous écrivions événement ce qui était ressenti par l’observateur et phénomène la chose en elle –même.      

 

            Etait-ce suffisant ? L’événement ramenait à ce qui était ressenti par un individu donné, à un instant donné, dans un certain état d’esprit, c’est-à-dire que pour un phénomène donné considéré comme une réalité en soi, il pouvait y avoir autant d’événements différents que d’individus et de dispositions différentes chez chaque individu.. Mais cette réalité en soi n’était peut-être lors que l’apparence communément admise, objective comme on dit, celle que pourrait avoir l’ensemble des individus faisant abstraction de toute émotion ou de tout intérêt particulier. Quelque chose d’idéal, l’idée qu’on se fait d’une chose, finalement le noumène platonicien. 

 

            L’existence d’un phénomène est liée à  son observation. On ne peut envisager un phénomène qui ne pourrait pas être observé. Un fantôme n’existe (probablement) pas et pourtant nul doute que certains ont vu des fantômes, pas obligatoirement sous un grand drap blanc et faisant « hou-hou » comme on le schématise parfois avec quelque humour, mais sous une apparence qu’on peut qualifier de naturelle, que rien ne permet alors de distinguer d’une vision normale. Il n’y a rien de physiquement présent à un instant donné (ce qui peut se contrôler aisément l’instant d’après, lorsque l’apparition a cessé, ce n’est pas quelque chose qui a une durée conséquente), mais une apparition est un phénomène, puisque observé, aussi « réel » que tout autre phénomène pour celui qui en est le témoin.  


            Cette apparition a un commencement et une fin. Ce n’est pas dans un décor qui se construit, donc progressivement pendant une certaine durée et qui se déconstruirait ensuite peu à peu. Le décor est le même que celui qui précède et qui se retrouve par la suite. C’est la permanence de ce cadre qui permet de ne pas être surpris par cette apparition, la surprise de l’apparition effacerait sans doute l’image en faisant appel au raisonnement, qui n’entre pas en jeu ici, c’est la disparition qui surprend et on se met alors à penser qu’on a rêvé. Et pourtant, on est là, bien éveillé.

 

            Ces apparitions anormales (elles ne sont pas dans la normalité) sont rares, peut-être même que beaucoup n’ont jamais éprouvé ces choses. Mais leur rareté n’en exclut pas l’existence. Dans le cas classique d’une rencontre de ce type, il y a un antécédent (la personne qui arrive vient de quelque part, et après poursuit son chemin même si on la voit plus), on peut toujours imaginer un avant et un après, on n’envisagerait pas qu’il n’y en eût point, rien n’interdit d’imaginer toute une tranche de vie, dépassant largement la durée de la vision. Mais ici, y-a-t-il un avant et un après ? Côté observateur, peu-être, côté phénomène, probablement pas.        

 

            Côté observateur en effet il y avait peut-être des prédispositions, un état d’esprit favorable. Auquel cas, on peut envisager un avant. Un doute certainement après, un refus ou une acceptation du phénomène, donc un après. Mais côté phénomène, il semble bien limité à la durée de l’apparition elle-même. Sans avant, ni après.

 

            Comme s’il s’agissait d’une transposition spatio-temporelle, un épisode pris ailleurs (peu probable dans strictement le même décor) ou (probablement)  à un autre moment. Comme une photo qui se serait intercalé malencontreusement dans un diaporama par ailleurs correctement développé.   

 

           Ce n’est pas le cas en général du rêve qui se vit comme s’il était réel, mais qui ne s’intercale pas entre un avant et un après consciemment vécus, mais constitue lui-même un ensemble, parfois parfaitement vraisemblable, au point qu’il peut arriver de ne  pouvoir convenir si certains événements ont été vécus ou rêvés, même après de mûres réflexions.    

 

            Il n’y a pas que l’apparition qui vient s’ajouter au décor existant, ce qui est exceptionnel sans doute, mais aussi une personne ou un objet qui n’y apparaît plus, une disparition au lieu d’une apparition, et  pas seulement par un tour de magie de prestidigitateur. Peut-on affirmer que le décor que nous voyons est tel qu’il est, qu’une personne par exemple, et pourtant au  premier plan, s’y trouve alors que nous ne la voyons pas ?

 

            Ce qui ne nous choque pas, sauf éventuellement quand ensuite on nous le fait observer. On se dit qu’on ne l’a pas remarqué, qu’on ne peut pas tout voir, mais qu’au moins, en être raisonnable, on ne voit pas des gens qui n’y sont pas. Admettant donc que ce n’est pas du tout la même chose de ne pas voir ce qui est et voir ce qui n’est pas, ce qui mérite réflexion.

 

            Une absence peut pourtant se remarquer, lorsqu’on s’attendait par exemple dans une assemblée à y trouver quelqu’un qui n’y est pas. On peut même ne s’intéresser qu’aux absents, comme des tableaux qui ne sont pas accrochés où l’on s’attendait à les trouver ou un élément qui manque dans une série d’objets. Mais c’est, pourrait-on dire la présence d’une absence ou l’absence d’une présence qui reviennent au même, retenant la même attention.  

 

            Ce qui frappe dans une apparition, c’est son caractère fugace, sans rapport avec l’avant et l’après, une parenthèse, alors que dans une non-apparition, ce n’est pas une parenthèse, il y a un avant et un après, on peut lui trouver une explication, même dans le cas où l’on prétend l’absence…inexplicable.  

 

 

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