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14 novembre 2011 1 14 /11 /novembre /2011 06:21

                        Le vertige de l’inconnaissable ne torturait pas le singe…et ne torture pas davantage l’enfant qui découvre chaque jour  tant de choses, bien davantage certes que l’éminent savant ou le spécialiste pointu. Et l’immense majorité des hommes, une fois acquises des connaissances de base, ne succombent pas au vertige de l’inconnaissable, sauf éventuellement aux inquiétudes que présente globalement l’inconnu quel qu’il soit lorsqu’il pointe le bout du nez.  Mais est ce alors un vertige, la peur du vide, alors que c’est celle de trouver au contraire une chose qui ne conviendrait pas, une présence néfaste qui déséquilibrerait une situation  durement acquise ?

 

            L’homme égaré entre deux infinis, l’infiniment grand et l’infiniment petit, c’est une réflexion pascalienne, pas celle du commun des mortels. L’inconnu effraie, non pas son absence, mais par sa présence éventuelle. Un monde fini, limité à ce que l’on connaît est un monde convenable, le monde du passé qui se prolonge dans le présent et qui serait celui de l’avenir, pourquoi pas ? Des milliers de générations ont ainsi vécues, à l’abri de leurs traditions. Pourquoi les dernières se sont-elles écartées  d’une évolution certes, mais à l’échelle humaine, lentement assimilée, au point d’être atteintes, dans certains de leurs membres, du vertige de l’inconnaissable ? 

 

            Parce que, alors que dans le passé, une nouvelle découverte paraissait extraordinaire, et prenait le temps d’être assimilée avant de se voir supplantée par la suivante, le rythme s’est accéléré, l’homme ne suit plus, à peine prend-il connaissance d’une nouveauté qui lui semble raisonnablement ne pas pouvoir être surpassé  qu’une autre  prend sa place, et c’est alors qu’il en est à dire que cela n’arrêtera peut-être plus et il attrape le vertige de l’inconnaissable, celui de toujours être à la traîne, d’être le chien qui court après sa queue. Mais l’animal est raisonnable, il mesure l’impossible et passe à autre chose. L’homme, lui, l’est beaucoup moins et, à ne pas trouver de solution, pérennise le problème bien au delà du raisonnable.  

 

               Parce qu’on lui a fait miroiter des choses et qu’il s’était mis à les croire, qu’il était le centre, le but, la mesure de l’univers, qu’il avait créé des dieux qui le lui rendaient bien, alors qu’il n’était qu’un être parmi d’autres, privilégié peut-être en certains points par l’évolution, à multiplier les espèces, il en fallait bien une qui surpassât les autres. C’était la sienne. Est ce si absurde que cela ?   

 

                Mais si certains imaginent l’homme perdu dans l’immensité d’un univers infini, de quoi  provoquer le vertige, il en est d’autres, beaucoup  d’autres qui imaginent  un monde  fini, limité, parfois parfaitement localisé, l’environnement qu’ils connaissent, qui écrase l’homme qui n’est rien. A la merci des circonstances qu’il ne contrôle pas, en butte à toutes les vicissitudes, surtout celles de la part des autres hommes, ses semblables pourtant, mais devant lesquels il sent petit, infiniment petit. Ce n’est plus l’infiniment grand qui écrase l’être fini qu’il devrait être, mais le monde pourtant fini qui écrase ce qu’il estime être, un infiniment petit. Plus une pensée de philosophes, mais une réaction de l’« l’homme de la rue » face aux autorités diverses qui le submergent.

 

 

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commentaires

F
Etalon, le mot lui-même, est issu de l’ancien français, estel, poteau, d’origine germanique. C’est dire qu’il ne pouvait s’agir que de dimension spatiale et non de temps pour établir, pas seulement<br /> des comparaisons entre deux objets à considérer (plus grand que, plus petit que et autres comparatifs suffisant alors), mais de manière à classer toutes les objets entre eux, en faisant référence à<br /> un objet communément admis comme étalon.<br /> Impossible, dans le passé tout au moins, d’en faire autant avec un étalon temporel .Un simple exemple ? La distance entre deux villes par exemple peut être évalué en mètres, avec une précision<br /> toujours de plus en plus grande, mais pas en secondes, le temps étant extrêmement variable pour aller de l’une à l’autre. Et, en remontant à l’homme primitif (sans aucune notion d’infériorité par<br /> rapport à l’homme moderne), il se rendait compte qu’il maîtrisait son espace, mais pas le temps puisque ce dernier continuait à s’écouler, qu’il était immobile ou non.<br /> Encore que, lorsqu’il ne s’agissait pas de comparaisons précises, et rendues nécessairement précises pour des objets qui différaient de peu, on pouvaient s’exprimer en temps : par exemple, deux<br /> jours de cheval pour aller de Paris à Troyes, huit jours pour aller de Paris à Marseille. C’est finalement la recherche de la précision qui a fait choisir un étalon espace. Mais, avec la précision<br /> qu’atteignaient nos horloges, le temps a repris toute son importance, à condition de se mettre communément d’accord sur un étalon universel, la seconde. Mais ce n’était nullement un temps ressenti.<br /> Alors que pour ce qui est de l’espace, on pouvait en convenir, pour le temps c’était bien différent, un temps imposé pour des raisons pratiques, mais non vécu.<br /> Et aujourd’hui, la considération d’un temps universel (une invention humaine relativement récente) a profondément modifié la condition humaine, la soumettant de la façon souvent la plus absolue à<br /> un temps le même pour tous, et auquel il faille nécessairement se rallier, et comme chaque être vivant a son propre temps, et que la perception de ce temps évolue d’un moment à un autre, il y a<br /> ceux qui s’y adaptent, en n’étant plus eux-mêmes, et ceux qui ne s’y adaptent pas, sans être pour autant moins humains que les autres, en relevant l’absurdité d’une exigence de perception<br /> universelle du temps, mais l’absurdité pour les uns n’est pas une absurdité pour les autres. A chacun sa propre raison !<br /> Qu’en sera-t-il dans 20 ou 30 ans...si nous prolongeons les courbes ? Résistons à cette tentation bien humaine de prolonger les courbes, de considérer l’extrapolation comme une façon de prévoir un<br /> avenir inéluctable. N’oublions pas l’existence des points d’inflexion. La situation, projetée, semble aller irrésistiblement dans un certain sens, et finit par s’infléchir et aller dans l’autre<br /> sens. Un jour viendra où ce qui peut nous paraître absurde aujourd’hui s’atténuera, puis deviendra raisonnable. Les 100 pages d’explication constituant la notice d’emploi d’un simple téléphone<br /> passeront peut-être à 200 demain, pourquoi pas ? Mais le jour viendra où la notice ne sera même plus nécessaire. Et pour réaliser le retour à la raison, on peut tous, chacun à son niveau,<br /> participer à cela, et en réduire l’échéance. C’est une loi de la nature, comme l’on dit, si tant est que la nature ait des lois qui ne soient pas seulement des lois humaines.
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M
Je vous suggère de remplacer, dans votre description pertinente de notre malaise, le mètre étalon, mesure universelle de la dimension des choses, par la seconde, mesure du temps qui passe, qui nous<br /> dépasse. L’angoisse existentielle n’est – elle pas encore plus présente devant ce phénomène mobile ( les dimensions ne le sont pas autant, en tout cas dans notre esprit), prégnante, inarretable.<br /> L’évolution des savoirs, des techniques, des matériels sophistiqués, s’accroit à chaque instant, d’une valeur bien supérieure à notre capacité d’adaptation à ces nouveaux facteurs de notre<br /> quotidien. Il y a quelques décennies, pour se servir d’un téléphone, quelques minutes d’explication suffisaient. Maintenant, il n’est pas rare de devoir lire des notices de plus de 100 pages pour<br /> utiliser des matériels de plus en plus sophistiqués et qui répondent de moins en moins à des besoins fondamentaux. Nous ne pouvons de moins en moins « faire face », ce qui a pour effet de<br /> développer toutes sortes de phénomènes de santé propre à nos modes de vie. Si nous prolongeons les courbes, qu’en sera – t – il dans 20 ou 30 ans ?<br /> L'absurdité tend à prendre une place centrale du débat.
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