Un monde devenu trop vaste, l’homme privé de ses repères traditionnels va se replier sur lui-même…et ne plus dépendre que de soi pour accéder au bonheur…C’était une question que l’on pouvait se poser : pourquoi la grande période philosophique de la Grèce antique n’a pas survécu à la disparition d’Aristote ? Et pourquoi plus de quinze siècles d’ « obscurantisme » ont-ils succédé à une aussi grande richesse d’expression de l’esprit humain ?
Alexandre le Grand en serait la cause. Comme quoi il ne faut pas séparer l’histoire de la philosophie de l’Histoire, de celle qu’on a coutume de gratifier d’une majuscule. Avant Alexandre, la Grèce est constituée de cités, sans rapport avec les métropoles d’aujourd’hui, de cités à taille humaine, où, d’un certain milieu, on peut tous se connaître, se réunir et disserter.
Il y a des maîtres et des disciples, certes, mais si les disciples bénéficient de la philosophie des maîtres, ceux-ci s’enrichissent des interrogations de leurs élèves. Nous ne sommes pas dans des amphis où des centaines d’étudiants glanent ce qu’ils peuvent des cours pour tenter de réussir leurs examens de fin d’année en ingurgitant les dires et les écrits des philosophes passés, relatés par leurs professeurs, mais dans de vrais débats d’idées.
Arrive Alexandre et ses conquêtes, à sa mort le monde n’a plus les mêmes dimensions, la Grèce n’est plus le centre de son monde. Bientôt ce sera Rome qui n’a plus les mêmes ambitions philosophiques, loin s’en faut, et il faudra attendre la Renaissance pour que s’annonce un monde nouveau. Avec des hommes à la conquête de nouveaux repères dans un monde qui encore changé de dimensions avec les grandes découvertes.
Au vingtième siècle, la Terre n’abritait plus de terres vierges dont on ne connaissait ni les contours ni le contenu. Mais chacun restaient encore dans les limites de son pays avant les deux guerres mondiales qui ravagèrent le globe mais eurent aussi pour effet de nous mondialiser, et une fois la période de décolonisation achevée et les moyens de communication considérablement accélérés, la conquête spatiale engagée, de créer une conscience collective d’appartenance à une seule et même humanité.
Une perception qui éblouit les astronautes quand ils aperçoivent de là-haut notre planète bleue, mais dont chacun croit en mesurer aujourd’hui les avantages, mais aussi les inconvénients, ramenés à sa propre personne. Avec, non seulement un retour en arrière impossible, mais encore une fuite en avant, encore mal définie mais certaine. Dans un monde qui somnole, il est plus aisé de se choisir des repères que dans un monde en effervescence, dont on peut présager de la fin, au-delà, en toute évidence, de la durée d’une existence humaine.
Ce n’est donc pas, ramené à notre personne, notre entourage, notre environnement présent, une simple parenthèse comme tant d’autres faits sur cette terre, qu’on peut laisser passer sans réagir, mais bien la nécessité de vivre, des générations durant, dans la mobilité, d’avoir des repères, cela est indispensable à notre nature, mais non permanents, s’adaptant à l’évolution accélérée du monde.