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13 mai 2011 5 13 /05 /mai /2011 06:57

               L’autre soir, à la télé, sous le patronage de Molière, on a récompensé les acteurs, les auteurs, les metteurs en scène, les décorateurs, les costumiers, les éclairagistes, en oubliant les dialoguistes qui eussent permis à certains lauréats d’accéder pleinement au langage articulé. Mais l’absence la plus scandaleuse de ce palmarès concerne les meilleurs comédiens de notre époque : les politiciens. Aucun artiste mieux que ces professionnels de la scène républicaine ne sait déclamer avec un talent toujours renouvelé des textes éculés, assurer de leur indéfectible amitié les partenaires qu’ils sont en train de poignarder dans le dos, jouer avec brio le faux départ ou l’éternel retour et, surtout, habiller des oripeaux du dévouement collectif de féroces ambitions personnelles. 

 

            Assez choquante en effet la manière de la plupart des lauréats, ici et ailleurs, de remercier les organisateurs et plus généralement le public de leur avoir attribué une récompense. On se croirait revenu aux temps anciens du certificat d’études primaires où chaque lauréat recevait, avant de quitter le système scolaire, un dictionnaire, afin de lui permettre de ne pas trop faire de fautes dans la rédaction des lettres qu’il aura à envoyer pendant le reste de sa vie.

 

            Que des gamins ou des gamines de douze à quatorze ans manquaient alors de réparties, se trouvaient à court d’idées pour sortir, les joues rosies par une émotion non feinte, quelques phrases clairement articulées, on peut le comprendre, c’est peut-être la première fois qu’ils paraissait en public, devant les familles réunies à cette occasion.

 

            Mais comment peut-on admettre de voir des adultes, si prompts par ailleurs à s’exhiber sur les plateaux, à apparaître dans moult manifestations, à rédiger des bouquins, comment admettre qu’ils se transforment en potiches balbutiant quelques mots, et encore, quand on leur décerne un prix, dont ils sont pourtant si friands ?

 

            Par émotion sincère, c’est quand même peu probable, habitués qu’ils sont à côtoyer les situations les plus les plus extravagantes, tant dans la réalité quotidienne que dans la virtualité la plus étendue, par émotion feinte, tentant ainsi de se conduire comme ils le faisaient à leur premier essai, ou peut-être plus simplement par incapacité de sortir une phrase qui ne leur a pas été soufflée, tant ils se limitent à respecter un texte écrit par d’autres et répugnent à en créer un de leur cru, qui traduirait leur pensée profonde. Alors, pour ne pas risquer un impair, ils marmonnent quelques mots suffisamment bas pour que personne ne puisse les entendre.

 

            Quant à la collusion entre gens du spectacle et politique, sans aller chercher des exemples outre-atlantique, comme Reagan ou Schwarzhonegger, pensons à Bernard Tapie, un homme d’affaires actif, reconverti dans le spectacle, mais qui aurait sans doute mieux fait de ne pas s’immiscer dans la politique, il est plus facile de jouer le commissaire Valentin, quelle que soit l’intrigue à dénouer, que d’éviter les pièges et les coups de poignard  dans le dos de partenaires qui vous assurent de leur indéfectible amitié.

 

            C’est donc la prudence qui incite les organisateurs de prix divers à considérer les politiciens comme des comédiens hors concours, laissant ainsi leur chance aux autres, des  comédiens plus naturels, qui certes en font des tas mais jouent des personnages qu’ils ne sont pas réellement, ce qui leur permet hors caméra de se trouver blanchis de tous les travers, qu’ils soient « en ville » irréprochables ou pire encore que dans les rôles qu’ils interprètent, c’est selon.    

 

            Habiller des oripeaux du dévouement collectif de féroces ambitions personnelles, voilà au moins une chose que l’on ne peut guère reprocher à la plupart des comédiens du spectacle,  intermittents toujours à la recherche d’un cachet, et prêts souvent à accepter n’importe quel rôle pour joindre les deux bouts.                    


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